Depuis des millénaires la respiration a été intégrée à toutes sortes de pratiques culturelles et religieuses favorisant l’hygiène du corps et de l’esprit.
La psychologie et les neurosciences permettent d’éclairer les mécanismes qui peuvent faire de cette fonction naturelle et vitale un véritable outil thérapeutique.
Comme psychologue et comme hypnothérapeute je l’utilise presque toujours et je l’enseigne souvent à mes patients.
Calme toi… Respire !
La plupart d’entre nous a déjà prodigué ou reçu ce conseil, tellement familier qu’il sonne comme une évidence, une évidence pourtant étonnante !
Nous n’avons en effet nul besoin d’injonction ou de conseils pour respirer ! Nous le faisons, et c’est heureux, le plus naturellement du monde, sans avoir besoin d’y penser.
Le « calme toi, respire » se réfère implicitement à deux suppositions sur les liens entre émotion et respiration :
- en état de tension ou d’émotion forte, notre respiration se modifie et peut donner la sensation, à nous comme à ceux qui nous observent, qu’il est difficile de respirer,
- l’un des remèdes possible à un état de tension ou d’émotion forte serait de mieux contrôler sa respiration.
En est-il vraiment ainsi ? Magnifique occasion de questionner l’évidence…
Pourquoi respirons-nous ?
La respiration c’est la base même de la vie.
C’est par l’entrée de l’air dans nos poumons que nous la débutons …et dans un dernier souffle que nous la quitterons !
La respiration est l’une des fonctions les plus essentielles de l’organisme, celle qui rend toutes les autres possibles : elle fournit l’oxygène dont le corps a besoin pour fabriquer de l’énergie.
Les autres « ingrédients » nécessaires à cette production d’énergie, et particulièrement les sucres et les graisses sont facilement stockables mais l’oxygène quant à elle ne peut arriver qu’en « continu ».
C’est la raison pour laquelle le corps ajuste en permanence les entrées d’oxygène à ses besoins vitaux.
Les poumons qui font entrer l’oxygène à chaque inspiration ont une seconde fonction tout aussi vitale qui a lieu à chaque expiration. Ils rejettent le principal déchet de la production d’énergie par le corps humain : le CO2.
La respiration sous pilote automatique
Puisque nous n’avons nul besoin de penser à respirer, il faut bien que quelque chose le fasse à notre place. Ce quelque chose s’appelle le « système nerveux autonome ».
Ce système permet de réguler le fonctionnement de nos poumons et de la plupart de nos organes, selon les besoins de l’organisme et les contraintes auxquelles il est confronté.
Il fonctionne grâce à deux commandes distinctes agissant sur les mêmes organes. L’une sert à l’alerte et l’autre sert à la récupération.
Le Mode alerte (dénommé système nerveux sympathique)
Dans le mode alerte, les organes se règlent pour permettre à l’organisme de faire face à une menace, à un danger ou à une émotion forte. C’est la réponse physiologique émotionnelle « Fight or Flight » théorisée par Walter Cannon en 1915. C’est aussi ce que Hans Seyle définira dès 1936 comme la phase générale d’alarme, première étape du processus de stress.
Cette réponse physiologique d’alerte se traduit notamment par
- une dilatation des bronches et une accélération de la respiration, qui apportent plus d’oxygène,
- un accroissement du rythme cardiaque et de la pression artérielle, qui amène plus de sang aux muscles,
- une dilatation des pupilles, qui augmente l’acuité visuelle,
- un ralentissement de tout ce qui n’est pas essentiel pour combattre, par exemple la digestion.
Lorsque nous sommes dans un état d’alerte élevé, quelle qu’en soit la raison, notre respiration s’en trouve profondément modifiée. Nous respirons rapidement mais superficiellement et de manière hachée ce qui peut donner la fausse impression de « manquer d’air ».
Le mode récupération (dénommé système nerveux parasympathique)
Ce mode permet aux organes de récupérer. Il produit globalement les effets inverses de l’alerte et permet de passer à un état « rest and digest ». Le corps se repose. Il digère, au sens propre comme au figuré.
- les bronches et les pupilles se contractent
- le rythme cardiaque et la pression artérielle diminuent,
- l’activité digestive augmente.
Au repos, sans que nous en ayons conscience cette fois-ci, notre respiration se fait lente et régulière. Elle contribue à la sensation d’apaisement.
Les pouvoirs thérapeutiques de la respiration
Les utilisations thérapeutiques de la respiration se fondent sur trois caractéristiques importantes de notre système nerveux autonome :
1 – L’opposition alerte-récupération
A l’aide de sa double commande, le système nerveux autonome joue un rôle d’équilibrage de nos fonctions vitales et d’adaptation aux circonstances. Il le fait en réglant la balance activation-repos !
Une observation importante qui en découle est qu’il n’est pas possible d’être à la fois et significativement en alerte et en récupération.
Nous sommes stressés ou détendus mais pas les deux !
2 -La possibilité de débrancher le pilote automatique
Il n’est pas possible de réguler instantanément ou de stopper notre activité cardiaque ainsi que celle de nos autres organes. Il est en revanche tout à fait possible de le faire avec la respiration.
Nous pouvons ainsi « décider » de respirer plus ou moins vite, ou plus ou moins profondément.
Nous pouvons même ne pas respirer du tout, pendant des périodes pouvant atteindre plusieurs minutes pour les mieux entrainés.
3 -Le partenariat étroit du cœur et du souffle
La respiration est la porte d’entrée de l’oxygène et la porte de sortie du CO2, déchet de la production d’énergie par l’organisme.
Le transporteur de ces molécules est le sang dont la circulation est assurée par le cœur.
De ce fait cœur et poumons ont tendance à se synchroniser, tendance qu’il est possible de favoriser par le contrôle de la respiration.
L’utilisation thérapeutique
Les mécanismes
L’idée clé de l’utilisation thérapeutique de la respiration peut se résumer ainsi : le contrôle de la respiration nous permet d’influencer notre pilote automatique en faisant pencher la balance en faveur du mode « récupération ».
Le calme toi respire, trouve ainsi tout son sens.
La base commune à toutes les approches est donc de porter son attention sur la respiration, de se mettre en position d’observateur. C’est en soi une première forme de contrôle.
Dans certaines approches elle est complétée par un contrôle plus délibéré visant par exemple à modifier la cadence ou la profondeur de la respiration.
Le contrôle à deux effets principaux :
- Il réoriente l’attention sur le processus respiratoire. L’attention ne peut se porter de manière volontaire sur deux cibles à la fois. Se concentrer sur sa respiration permet donc de mettre cognitivement et émotionnellement « à distance » les autres perturbations ou inconforts de l’organisme.
- Une respiration régulière s’oppose à l’état alerte de l’organisme. Elle oblige notre pilote automatique à activer la position récupération. Ce ne sont plus les conditions internes ou externes qui pilotent le mode alerte ou récupération. La respiration passe de conséquence du pilotage à source d’influence de celui-ci.
NB – Cela fonctionne dans le sens de l’apaisement mais aussi dans le sens opposé.
Il est en effet possible d’induire un sentiment d’anxiété ou de panique en limitant la respiration avec une paille ou en la rendant rapide et hachée. Cette approche est utilisée dans certaines thérapies cognitivo-comportementales. Cela aide le patient à prendre conscience que la suractivation de son système d’alerte n’est pas en soi un danger et qu’elle peut survenir en l’absence de toute menace.
Les méthodes
L’utilisation du contrôle de la respiration est plurimillénaire comme dans le yoga pranayama ou la méditation Bouddhiste.
Presque toutes le formes de méditation pratiquées aujourd’hui utilisent l’observation de la respiration comme moyen de recentrage de l’attention. Ce recentrage de l’attention sur la respiration peut aussi être mis en œuvre à tout moment, de manière quasi instantanée.
Plus près de nous la relaxation progressive de Jacobson ou le training autogène de Schutz utilisent la respiration pour générer les effets relaxants.
La technique la plus récente est sans doute la cohérence cardiaque, popularisée dans les années 1990 par le cardiologue américain David Servan-Schreiber. Elle se fonde sur une respiration lente, profonde et régulière.
Les cas d’usage
Le contrôle de la respiration peut être utilisé soit de manière situationnelle, soit dans une approche orientée sur l’amélioration de la santé et du bien-être
Approche situationnelle
- L’utilisation la plus fréquente concerne les situations de stress aigu, de vives émotions, de phobies, ou encore d’attaques de panique.
- Observer et réguler la respiration est aussi un moyen très efficace d’améliorer la qualité du sommeil et de favoriser l’endormissement.
- Le contrôle de la respiration est également utile en phase de préparation à une situation : pour renforcer sa concentration juste avant un examen ou une compétition, en anticipation d’une exposition phobique, ou encore pour prévenir le « trac » avant une présentation en public ou un entretien délicat.
Approche mieux-être et prévention
Pratiquer régulièrement sous une forme ou sous une autre le contrôle, la régulation ou l’observation de sa respiration a de nombreux effets.
Certains de ces effets sont bien étayés scientifiquement. C’est le cas par exemple de la réduction du stress, de l’anxiété ou de l’amélioration de la tolérance aux douleurs chroniques.
D’autres études, qui devront être confirmées, montrent des effets sur la qualité du sommeil, la régulation de la pression artérielle ou encore la réduction des inflammations.
Dans tous les cas il est important de noter que ces effets disparaissent… si la pratique s’arrête. Il faut donc considérer ces approches comme une sorte d’hygiène de vie, au même titre que l’exercice physique ou la diététique…
En conclusion
Nous ne savons pas pourquoi l’évolution a sélectionné la possibilité de contrôler temporairement notre respiration.
Ce que nous savons de mieux en mieux c’est que cette possibilité est un atout précieux pour traverser nos émotions et pour améliorer notre bien-être.
N’oublions pas au passage que la respiration c’est aussi sentir… un sens efficace et émotionnellement très puissant.
Alors profitez-en pour respirer à pleins poumons et à plein nez !
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